Par : Ilka Grosskopf, urbaniste
L’article a été publié dans la revue Urbanité, édition été 2011.
En 1987, pour la première fois, l’UNESCO reconnaît un quartier entier comme patrimoine mondial. Fondée il y a plus de 850 ans, c’est l’une des cités du Moyen Âge les mieux préservées en Europe du Nord. Mais bien avant la reconnaissance par l’UNESCO, les dirigeants de la ville de Lübeck ont posé les premiers actes visant la protection du patrimoine de la cité médiévale de Lübeck, au nord de l’Allemagne https://experience.tripster.ru/articles/kak-dobratsya-do-aeroporta-sheremetyevo/.
Au XVIe siècle, le pouvoir de Lübeck sur le Nord de l’Europe décline progressivement. Au XIXe siècle, la période de l’industrialisation apporte peu de prospérité à la ville. C’est néanmoins à cette époque que la ville amorce la protection de son patrimoine. Ainsi, un premier décret, adopté en 1816, oblige les propriétaires à publier leurs intentions de vendre un immeuble ou une œuvre d’art. En 1921, la ville adopte une première loi visant à protéger le patrimoine. Dès lors, un dessinateur mandaté par le ministère de la construction de l’époque doit cartographier la façade des immeubles voués à la démolition, afin que le style architectural soit reproduit lors de la reconstruction.
Les bombardements de la deuxième guerre mondiale ont détruit le cinquième de la vieille ville. En période d’après-guerre, particulièrement durant les années 60, la construction d’édifices modernes s’accélère et les espaces vacants sont utilisés pour faire place à une architecture surtout fonctionnelle, sans que l’on tienne compte de l’historique des lieux.
Un changement s’amorce vers la fin des années 1970. Dès 1972, 50% des subventions publiques en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine bâti, étaient destinées à la restauration de la cité. Un atlas cartographique[3] de toutes les façades des bâtiments qui composent la vieille ville de Lübeck est créé et la première Charte architecturale visant la conservation des façades et le volume des constructions est adoptée. En 1987, la vieille ville est inscrite au patrimoine mondial de L’UNESCO.
Trame urbaine parcellaire et architecture avec pignon sur rue
Deux artères principales traversent l’île de la cité médiévale du nord vers le sud. De là, de nombreuses rues secondaires ‘’descendent en tournant’’ vers le fleuve, en créant une trame urbaine parcellaire et dense. Ces rues portent le nom des guildes ou des artisans qui s’y sont établis au Moyen Âge : la rue des forgerons, la rue des boulangers ou la rue des cochers. Les habitants de cette époque ont aussi façonné l’architecture de la ville telle qu’on la retrouve aujourd’hui.
Au Moyen Âge, les riches propriétaires fonciers devaient loger, à l’intérieur de la forteresse, la population nécessaire au fonctionnement de la ville. L’espace étant limité par les fortifications et le fleuve ceinturant la cité, un réseau de ruelles et de passages couverts a été créé. Rapidement, on assista à la création d’une ville des pauvres au cœur de la cité.
Au début, les constructions étaient en bois[1], mais elles ont été rapidement remplacées par des constructions plus solides en briques d’argile. Les toits à forte pente sont couverts de tuiles d’argile. Les maisons forment une trame urbaine continue, séparées par des murs coupe-feu pour contrer les incendies. Le volume et l’architecture des constructions dépendent du statut social de son propriétaire : les maisons qui ont pignon sur rue dans les artères principales comptent trois à quatre étages; dans les rues secondaires, elles ont deux ou trois étages et un faux pignon est parfois ajouté. Les maisons ouvrières construites en arrière-cour ne dépassent pas deux étages.
Les nombreux passages piétonniers desservant les arrière-cours demeurent l’une des particularités de la ville. À l’origine, il existait plus de 350 passages, parfois si étroits qu’une seule personne pouvait passer à la fois, la tête penchée. De nos jours, il en reste une centaine. Les accès n’ont parfois qu’un demi-mètre de largeur, et jamais plus de trois mètres, ce qui empêche la circulation automobile. Tous les passages sont publics, malgré les demandes de certains résidents, las de voir défiler des gens ou des visites guidées touristiques, de plus en plus nombreuses dans ce labyrinthe de ruelles.
La plupart des maisons des arrière-cours ont à peine 45 mètres carrés de superficie habitable répartie sur deux étages. Au rez-de-chaussée se trouvent la cuisine et la salle de bain, et une ou deux chambres sont logées à l’étage. Étant occupées par la population la plus pauvre: refugiés d’après-guerre, prostituées, ouvriers ou immigrants nouvellement arrivés au pays, le délabrement des habitations s’est accentué. Jusqu’à la fin des années 1970, on pouvait acheter une maison situées en arrière-cour 5000 deutsche Mark. Cependant, depuis quelques années, ces maisons ont acquis beaucoup de valeur. Aujourd’hui, habiter au cœur de la vieille cité est devenu un mode de vie urbain très recherché. On doit débourser 100 000 Euro pour une maison d’arrière-cour restaurée avec soin.
Le défi du 21e siècle : la vieille ville sans automobiles
Une des priorités de la direction de l’aménagement et de l’urbanisme de la ville de Lübeck: encourager les déplacements à pieds et en vélo, favoriser l’utilisation du transport en commun et offrir des stationnements gratuits à proximité.
Le Masterplan 2010 [5] propose de rallier traditions, arts et culture, milieu de vie et tourisme. La protection du patrimoine est toujours une priorité, mais la ville doit demeurer multifonctionnelle. Ainsi, la cohabitation d’écoles et universités, de musées, d’églises, de salles de concerts et théâtres, de centres commerciaux, de supermarchés, boutiques et commerces spécialisés, de services, bureaux, restaurants, café-terrasses et habitations rendent la ville vivante et attrayante.
Depuis les années 80, de nombreux projets ont vu le jour dans la vieille ville, dans le but de trouver la meilleure solution en matière de circulation et de transport: création de zones piétonnes, rues à sens uniques, réaménagement de l’espace ‘’rue-stationnement-trottoir’’, aménagement de stationnements incitatifs et voies cyclables. Malgré certaines frustrations exprimées par les automobilistes et commerçants, les piétons et les cyclistes apprécient ces initiatives et la ville continue à mettre tous les efforts dans le but de réduire les déplacements individuels en automobile dans le centre historique.
Après 40 ans d’efforts, 95% du cadre bâti de la ville a été restaurée, les investissements en matière de protection du patrimoine se chiffrent à plus de 120 millions d’Euro. Maintenant, la ville peut se concentrer sur l’aménagement des espaces publiques. Après une vaste consultation publique sous le thème : communication et coopération au centre de Lübeck suivi par le lancement d’un concours de design urbain à l’échelle européenne, on décrète l’élargissement du réseau piétonnier et la revitalisation de la zone piétonne qui existe depuis 30 ans. La première phase a été complétée en novembre 2010 : nouveau dallage en pierre, plantation d’arbres, construction d’une fontaine, installation de bancs et d’autres mobiliers urbains[6].
Quant aux ruelles et passages, la position de la ville est claire : ils demeurent publics et accessibles à tous.
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