Introduction
Depuis 2012, en marge de plusieurs projets d’agriculture urbaine et péri urbaine, nous avons initiés quelques projets non directement liés à nos activités habituelles. Un essai de lutte biologique contre une plante envahissante (le phragmite) a été mis sur pied Краснодар парк. Un mini protocole de recherche, de façon bien modeste, a été initié sur une de nos parcelles à Longueuil. En 2012, le premier essai s’est appliqué sur 250 m2. Le deuxième, débuté en 2014 pour sur une surface de 600 m2.
Dans un premier temps, nous vous présenterons le protocole de lutte et les principes qui ont menés à son élaboration. Ensuite nous vous présenteront les résultats et les observations faites lors de l’application de ces protocoles.
Si vous voulez plus d’information sur le phragmite, nous vous proposons les sites suivants :
1 Introduction
Depuis toujours, des plantes envahissantes d’origines étrangères ont été introduites dans les écosystèmes du Québec. On recense plus de 160 variétés de plantes de ce type dans l’est du Canada. La plus part de celles-ci ont pu s’acclimater et trouver, à quelques exceptions près, une place parmi les systèmes écologiques indigènes sans trop bouleverser ceux-ci.
Une des exceptions est le roseau commun connu sous le nom de phragmite. Identifié pour la première fois au Québec en 1916, le phragmite n’a pratiquement pas fait parlé de lui avant les années 1970. Depuis, pour diverses raisons, l’expansion de son l’aire de distribution a connu une croissance exponentielle. Dans certains endroits de la plaine du Saint-Laurent la situation est totalement hors de contrôle.
Dans les zones où est pratiqué l’agriculture conventionnelle l’utilisation massive de glyphosate (Roundup) est l’unique alternative pour contrôler la progression de la plante. Cette méthode de contrôle n’est cependant pas souhaitable dans les zones sensibles tels les milieux humides. Le glyphosate a des effets dévastateurs sur la faune des milieux humides, plus particulièrement sur les batraciens et dans une moindre mesure sur les poissons.
En agriculture biologique, l’utilisation de glyphosate n’est pas envisageable. Nous proposons d’utiliser des moyens mécaniques pour perturber l’environnement du phragmite, Ensuite, nous allons utiliser des plantes et des arbustes qui avec notre support seront en compétition avec la plante intruse. Ce qui mènera progressivement à son élimination.
2 Problématique
Plusieurs facteurs sont responsables de l’explosion relativement récente de la population de phragmite. Le premier serait la multiplication des sites favorables à son développement. L’amélioration et l’élargissement du réseau de drainage routier ont créé des milieux extrêmement favorables au développement rapide de la plante. Celle-ci, qui reproduit par des stolons et des rhizomes peut coloniser rapidement ces sites ouverts.
Le réchauffement climatique observé dans les dernières décennies a aussi été un facteur important de dissémination de la plante par voie aérienne. La plante est originaire de l’Eurasie plus particulièrement du Caucase. La plante a besoin d’une saison très longue pour rendre à maturité les graines contenues dans son panicum (800 graines par épi). Dans les années 1940, seulement 3% des graines de phragmite arrivaient à maturité. Maintenant, c’est plus de 19% des graines[1] qui y réussit.
L’important réseau de drainage agricole de surface a aussi contribué à la percée de la plante dans les zones agricoles. La plupart des agriculteurs contrôle son expansion par l’application de doses massives d’herbicides, principales du glyphosate (Roundup). Le long des routes le fauchage et le curage des fossés sont les principaux moyens de contrôle. Moyens qui, selon les avis d’experts sont largement insuffisant comme mesure de contrôle à long terme.
Dans certains endroits, l’utilisation d’herbicides n’est pas possible. Les agriculteurs sous régie biologique ne peuvent en utiliser. Les zones humides dans les parcs et les réserves fauniques sont aussi des endroits sensibles où on ne peut procéder de façon chimique au contrôle du phragmite.
3 Modèle conceptuel
Le phragmite est une plante qui est fort bien équipé pour coloniser, dans un premier temps les milieux humides telles que les fossés de drainage, pour par la suite s’étendre dans les zones environnantes. La plante possède trois modes de dispersion. En plus des semences, un plant de phragmite produit des tiges souterraines (des rhizomes) et des tiges rampantes (des stolons) qui lui permette d’accroître rapidement son aire de colonisation.
La rapidité d’installation et la densité de la végétation du phragmite en fait un concurrent redoutable pour la flore indigène. Cependant, bien que très homogène au niveau de la flore, à certains endroits on peut pratiquement parler de monoculture, les aires couvertes de phragmite ne sont des déserts écologiques au niveau de la faune bien que la diversité y est très réduite, ce qui rend les traitements chimiques non souhaitables.
Bien que le phragmite soit une plante extrêmement compétitive, celle-ci a des points faibles sur lequel il faut capitaliser.
Premièrement, la plante, pour se reproduire par ses graines, nécessite d’une saison très longue arriver à maturité. Un fauchage au cours de l’été est suffisant pour éliminer les épis en formation. La repousse n’aura pas le temps de refaire le cycle de reproduction par les graines. Les graines sont le principal vecteur de colonisation pour les longues distances.
Deuxièmement, la plante est très peu compétitive à l’ombre. La plante n’entre jamais dans une forêt où le couvert végétal est dense. La plante a besoin d’un développement végétatif important pour optimiser son activité de photosynthèse propice à développer des réserves et produire des stolons et des rhizomes.
Selon un chercheur de l’Université Laval, il serait théoriquement possible d’éliminer le phragmite par un fauchage très fréquent où la partie végétative serait réduite au minimum. Cependant, en réalité à cause de la nature des endroits où le phragmite prolifère (milieux humides), il est difficilement envisageable d’avoir un contrôle mécanique à grande échelle.
Les chercheurs sont d’accord pour affirmer que la solution idéale pour contrôler le phragmite est l’utilisation combinée de plusieurs actions de perturbation du phragmite et de son environnement.
Dans notre programme de lutte, les perturbations sont de trois ordres :
v Perturbation au niveau du sol
v Perturbation au niveau végétatif
v Implantation d’espèces à croissance rapide qui pourront, avec des actions de soutiens, faire compétition au phragmite
La Métairie de Longueuil dispose d’un terrain de 4 hectares où ses activités de formation en horticulture se poursuivent au cours de la belle saison. Les activités de jardinage ont débuté en 2005. Sur des photos prises en 2005 et 2006, on note que la présence de phragmite y est négligeable. En 2012, à plusieurs endroits l’infestation y est extrêmement sévère. Un premier fauchage a été réalisé à la fin du mois d’août 2012. Au cours de la saison 2013, d’autres fauchages devront être réalisé sur l’ensemble du périmètre de la Métairie afin de contrôler la production de graines. De plus la tonte des surfaces adjacentes à la parcelle devra se faire de façon récurrente.
En plus d’un protocole général visant à contrôler la colonisation du phragmite sur l’ensemble de la superficie de la Métairie, deux parcelles expérimentales seront mises sur pieds avec pour objectifs :
- Éradication du phragmite dans une parcelle, moyennement infestée, par sa remise en culture utilisant les techniques de labours/hersages, faux semis, engrais verts étouffants et cultures sarclées
- Éradication d’autres plantes envahissantes présentes sur la parcelle plus particulièrement le chiendent et la prêle
- Contrôle et éradication progressive du phragmite sur une parcelle sévèrement infestée utilisant des techniques mécaniques d’entretien/contrôle et l’utilisation de techniques agro forestières (plantation de haies de saules (Salix) et/ou d’aulnes rugueux)
Dans un premier temps, parce que nos ressources humaines, financières et matérielles sont très limitées, nous nous limiterons au deux premiers objectifs.
4 Objectifs et l’hypothèse
L’objectif est de quantifier les efforts et les ressources nécessaires pour lutter de façon agro écologique contre une espèce envahissante. Les méthodes de lutte contre plusieurs mauvaises herbes persistantes sont bien connues. Si les efforts sont constants, nous croyons qu’il est possible d’éradiquer à moyen terme (sur 2 ans) le phragmite présent dans une parcelle moyennement infestée.
Nous visons avant tout à quantifier les efforts nécessaires en terme d’homme jour et aussi d’établir un coût/bénéfice des actions qui seront nécessaires pour l’éradication sur une parcelle agricole.
Éliminer le phragmite dans des zones de fortes infestations par l’utilisation de plantes à croissance rapide qui offriront rapidement une couverture ombragée dense, jumelé à des mesures de contrôles du phragmite afin d’améliorer la compétitivité des plantes compétitrices choisies.
5 Méthodologie :
Parcelle agricole
Éradication du phragmite sur des parcelles agricoles en utilisant des méthodes agro écologiques compatibles avec la certification biologique.
- Délimitation de la parcelle au printemps
- Fauchage du phragmite
- Travail manuel et mécanique en profondeur de la parcelle afin d’éliminer un maximum de rhizomes et de stolons.
- Semis d’engrais vert :
4.1.1. En mai céréale à croissance rapide (seigle, avoine ou blé)
4.1.2. Début juillet semi de sarrasin (enfouissement début août)
4.1.3. Début août semi de sarrasin (enfouissement début septembre)
4.1.4. Début mi-septembre semi de blé ou de seigle d’automne (enfouissement mi-mai 2014)
4.1.5. Fin mai engrais vert composé d’avoine et d’une légumineuse annuelle le pois jaune (enfouissement début août 2014)
[1] Conférence sur les plantes exotiques envahissantes, Saint-Jean sur Richelieu, 12 mars 2013
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